Patrick Suffo

Un cas édifiant des excès du foot-bizzness. Après un passage sans relief à Nantes, Patrick Suffo-Kengné avait pris le melon pour surestimer ses véritables capacités. A l’arrivée, dix clubs traversés en douze années pour un bilan famélique qui s’est achevé en 2009, en 5eme division anglaise. Contrat non reconduit. Du grand n’importe quoi…

En Bref

17 janvier 1978

Attaquant

Saison Club Nb matchs Nb buts
1994 – 1995
Tonnerre Yaoundé
? ?
1995 – 1996
FC Nantes
0 0
1996 – 1997
FC Barcelone
0 0
1997 – 1998
FC Nantes
4 0
1998 – 1999
FC Nantes
21 4
1999 – 2000
FC Nantes
5 0
2000 – 2001
Sheffield United
16 1
2001 – dec 2001
Sheffield United
20 4
jan 2002 – 2002
CD Numancia
5 2
2002 – dec 2002
CD Numancia
18 4
jan 2003 – 2003
Al Hilal FC
? ?
2003 – 2004
Coventry City
27 7
2004 – jan 2005
Coventry City
21 3
jan 2005 – 2005
Dubaï SC
? ?
2005 – dec 2005
ODD Grenland
11 4
jan 2006 – 2006
Maccabi Petah Tikva
13 6
2006 – 2007
Maccabi Petah Tikva
24 1
2007 – dec 2007
FC Ashdod
4 1
jan 2008 – 2008
UD Puertollano
11 0
2008 – 2009
Wrexham FC
14 2
  • 1994 –1995 :



    Tonnerre Yaoundé
     

  • 1995 –
    1996 :



    FC Nantes
     
  • 1996 –
    1997 :



    FC Barcelone
     
  • 1997 –
    2000 :



    FC Nantes
     
  • 2000 –
    dec 2001 :



    Sheffield United
     
  • jan 2002 –
    dec 2002 :



    CD Numancia
     
  • jan 2003 –
    2003 :



    Al Hilal FC
     
  • 2003 –
    jan 2005 :



    Coventry City
     
  • jan 2005 –
    2005 :



    Dubaï SC
     
  • 2005 –
    dec 2005 :



    ODD Grenland
     
  • jan 2006 –
    2007 :



    Maccabi Petah Tikva
     
  • 2007 –
    dec 2007 :



    FC Ashdod
     
  • jan 2008 –
    2008 :



    UD Puertollano
     
  • 2008 –
    2009 :



    Wrexham FC
     

  • 1999 : Vainqueur de la Coupe de France (FC Nantes).
  • 2000 : Champion Olympique (Cameroun).
  • 2002 : Vainqueur de la CAN (Cameroun).
  • 29 sélections en équipe nationale

Sa vie, son oeuvre

Sa carrière en club

Le cas Suffo relève assurément de la faculté. Il permet surtout de comprendre comment une carrière entamée sur de bonnes bases peut dériver à la faveur d’agents plus ou moins véreux, de proches intéressés ou de joueurs ayant perdu totalement le sens des réalités. Patrick Suffo a 17 ans quand il débarque à la Jonelière en provenance du Tonnerre de Yaoundé. Comme tant d’autres, il veut échapper à la pauvreté et à la corruption récurrente qui ravage le Cameroun. Comme Salomon Olembé, Jean-Hugues Ateba, Pierre Womé et Samuel Eto’o, il a fréquenté le centre de formation des Brasseries, là où Nantes va faire régulièrement son marché. Arrivé sur les bords de l’Atlantique bien avant Olembé, le fait est qu’il débutera sa carrière pro bien après lui. Après avoir passé une première saison en équipe réserve en 95-96, il est prêté à la réserve de Barcelone afin de s’acclimater à l’effectif professionnel nantais qu’il doit retrouver une année après. Il dispute 26 matchs avec le Barça B et marque 4 buts et en janvier 98, Raynald Denoueix, conforme à sa promesse initiale, le lance en première division contre Montpellier. Il jouera, en tout et pour tout, trente matchs chez les pros en trois saisons, mais cela suffit cependant pour lui ouvrir les portes de la sélection du Cameroun où ses copains, dont Eto’o et M’Boma, règnent en maître. Sélectionné pour la Can 98, il échoue en quart de finale avant de s’adjuger une Coupe de France en 99 avec Nantes à l’issue de sa saison la plus aboutie avec les Canaris (21 matchs pour 4 buts marqués). On notera toutefois qu’il n’a pas joué la finale.

Mécontent de son temps de jeu famélique, cultivant un gros melon dans les allées de la Beaujoire, Suffo qui commence sérieusement à indisposer ses coéquipiers finira par quitter Nantes. Il entame alors un véritable Tour du monde qui le voit successivement passer en douze années dans pas moins de dix clubs, des destinations pour la plupart « exotiques ». A Sheffield United, en deuxième division anglaise, son coach Neil Warnock se sépare de lui sans regret, malgré une deuxième saison intéressante. Il sera impliqué dans la bagarre mémorable du 18 mars 2002 lors du match opposant Sheffield à West Bromwich Albion, alors candidat à l’accession en Premier League. Après une première provocation du défenseur Georges Santos (ex Toulon), Suffo adresse un coup de tête magistral sur l’écossais Derek Mac-Inness. La partie qui sera baptisée « Bataille de Bramall Laine » par la presse britannique, est interrompue à la 82e minute faute de joueurs sur le terrain. Sheffield a eu trois exclus (dont Suffo) et deux blessés. Le résultat sera maintenu par la fédération anglaise qui infligera par la suite 10 000 euros d’amende à Sheffield. Santos et Suffo ne porteront plus jamais les couleurs de Sheffield qui termine la saison en 13e position. Le gros problème de Suffo c’est qu’il privilégie avant tout la sélection nationale, ce qui donne lieu à des ruptures mémorables avec ses dirigeants. « Pour vous dire vrai, à chaque fois que je recevais la convocation de l’équipe nationale, cela a toujours été un moment de bonheur, encore plus quand on arrive en sélection et qu’on chante l’hymne national avant les matches. Ce sont mes plus beaux souvenirs. Mais il y en a qui sont plus extraordinaires que d’autres, notamment la coupe d’Afrique des nations 2002 au Mali. On avait une équipe qui était presque parfaite et finir un tournoi sans encaisser de but, avec un groupe aussi soudé, c’était extra. Il y avait de la solidarité, il y avait de l’harmonie, il y avait tout ce qu’on peut souhaiter dans une équipe de football ». Il est vrai aussi que Suffo s’est offert un palmarès impressionnant avec les Lions Indomptables : vainqueur des Jeux Olympiques d’été à Sydney, il remporte la Can 2002 avec sa sélection nationale et il sera, la même année de la Coupe du monde a Japon et Corée du Sud. Mais le joueur, barré par M’Boma et Eto’o, est rarement titulaire en attaque. A la Coupe du monde 2002, lors du dernier match des phases de poule, il est même expulsé contre l’Allemagne à la 60e minute.

A partir de 2003, il alterne les passages sans relief dans des clubs de seconde zone. Et dès lors, il ne sera plus appelé en équipe nationale. Après deux saisons ratées en D2 espagnol à Numancia et un arrêt à Al-Ahli en Arabie Saoudite, il retourne en Angleterre, le coin qui lui a le plus porté chance jusque-là. Entre 2003 et 2005, il semble se stabiliser à Coventry où il claque une douzaine de buts. Il côtoie l’inusable écossais Garry Mac-Allister, l’ex-monégasque Muhamed Konjic, le lyonnais Florian Laville, le demi-défensif du Havre Yazid Mansouri et l’ancien défenseur Eric Deloumeaux. Malgré ces renforts de choix, les deux saisons sont juste correctes. Coventry ne retrouve pas la Premier league et Suffo reprend alors son baluchon. En 2005, il accepte un contrat mirifique à Dubai qui lui permet d’assurer l’avenir : « c’est un contrat qu’on ne peut pas refuser, il faut l’avouer, même si cela me porte préjudice en termes de visibilité. Je suis tout de même resté en jambe comme vous le constatez et surtout très confiant avec moi-même » dira Suffo à la presse camerounaise.

Après un passage en Norvège où il aide Odd Grenland à se maintenir dans l’élite, il file en Israël, après avoir eu des touches avec le champion sortant Vallerenga. Il y restera quatre saisons dont trois à Petah Tikva, un bon club du championnat, challenger habituel du Maccabi Tel-Aviv, mais où il ne fait que cirer le banc. En 2007, il participe avec 4 petits buts au maintien du FC Ashdod. En 2008, le dernier baroud d’honneur à Wrexham en 5e division anglaise se solde par un échec complet : son contrat n’est même pas reconduit et Suffo, faute de propositions, met un terme à sa carrière en 2009…

Que devient-il ?

Il a travaillé en Angleterre comme agent de joueurs pour CS Sport. Rentré au Cameroun, il s’est reconverti dans le management sportif. Il vient aussi de finaliser avec la Fondation Tafi un projet d’équipements sportifs de la marque Italienne Givova. Il garde un oeil attentif sur les derniers résultats des Lions Indomptables. «Pour dire vrai, on avait un groupe qui était différent de celui d’aujourd’hui. Entre nous les joueurs, on avait décidé de fermer un œil sur tout ce qui était administratif et de nous concentrer sur tout ce qui était football, c’est-à-dire nos performances sur le terrain. La situation n’a jamais été la plus parfaite et c’est vrai qu’on a vécu dans une époque où le Cameroun a remporté quelques trophées. Cela fait que nos exigences étaient plus ou moins prises en compte à cette période là. Aujourd’hui, je me suis rendu compte, même de loin, qu’il y avait beaucoup de choses que nous avons améliorées à notre époque et qu’on a laissé tomber depuis là. On est revenu aux vieilles mauvaises habitudes. C’est vrai qu’il y a des gens qui trouvent leur compte dans ce désordre, mais çà ne fait pas avancer le football camerounais. »

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